Valéry Giscard d’Estaing, celui par qui la détente est arrivée

Le leader soviétique Leonid Brejnev et son homologue français Valéry Giscard d’Estaing avant des négociations au Château de Rambouillet, en France.

Le leader soviétique Leonid Brejnev et son homologue français Valéry Giscard d’Estaing avant des négociations au Château de Rambouillet, en France.

Yuri Abramochkin / RIA Novosti
L’ex-président français Valéry Giscard d’Estaing fête aujourd'hui son 90ème anniversaire. Favorable au rattachement de la Crimée à la Russie et fermement opposé aux sanctions antirusses, il a prôné tout au long de sa carrière politique la détente entre l’Orient et l’Occident. Comment ont commencé ces relations d’allié avec la Russie ?

Lors de différentes étapes de tensions politiques entre la Russie et l'Occident, Valéry Giscard d’Estaing a toujours gardé une attitude amicale envers Moscou et n’a jamais craint de formuler son point de vue personnel, souvent diamétralement opposé à l’avis de la majorité. Aujourd’hui encore, il appelle à cesser la confrontation et s’élève contre les sanctions décrétées par l'Union européenne contre Moscou. S’appuyant sur des faits historiques, il défend la cause de la Russie au sujet du « dossier criméen ».

Amitié avec Leonid Brejnev

Quand Valéry Giscard d’Estaing a été élu président en 1974, les Français étaient dans l’attente du choix de la politique de leur dirigeant à l’encontre de l’Union soviétique. La droite était inquiète, redoutant que Valéry Giscard d’Estaing, qui avait déclaré son attachement au gaullisme, ne soit trop complaisant envers l’URSS, tandis que la gauche évoquait l’envergure de la future réception à Moscou en tant que symbole des relations : sera-t-elle aussi solennelle que les réceptions offertes en l’honneur des anciens leaders, De Gaulle et Pompidou ?

Valéry Giscard d’Estaing a fait son choix : dès le début de son mandat, il s’est tourné vers l’URSS. Il a été l’unique dirigeant occidental à avoir rencontré Leonid Brejnev après l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan, lorsque l’image de l’URSS était ternie. La France et l’Union soviétique ont réussi alors à atteindre un certain niveau de confiance : elles ont signé la Déclaration sur le développement de l’amitié et de la coopération ainsi que plusieurs accords de collaboration dans les domaines politique, commercial, industriel, scientifique et technique.

Conscient de la contradiction entre la politique de détente et la confrontation idéologique, le président français n’a pas manqué de reprocher à Brejnev les critiques violentes de la presse soviétique contre l’impérialisme. Cette remarque, qui aurait pu très bien attiser un conflit, a été formulée sous une forme pacifique, sur un ton témoignant de la détermination à poursuivre le dialogue et à critiquer ouvertement les carences.

Valéry Giscard d’Estaing était décidé à avoir des négociations avec Leonid Brejnev et à lancer la coopération entre les deux pays lorsque l’Union soviétique s’est retrouvée dans l’isolement international. Il se souvient dans ses mémoires que de nombreuses « banalités » sont prononcées pendant les rencontres. Lui a toujours cherché à progresser, à arriver à l’examen de problèmes concrets afin de préciser les moyens de développer les relations bilatérales et de les hisser au niveau supérieur. Selon ses mémoires, l’ex-président souhaiter passer de la simple reconnaissance du droit à l’existence de chacun à la coopération, ce qui sous-entend des activités communes au nom de la résolution de problèmes concrets.

Valéry Giscard d’Estaing est devenu l’homme politique avec qui Leonid Brejnev était prêt à évoquer les conséquences de l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan. C’est à lui que le leader soviétique s’est confié, en déclarant qu’il souhaitait achever l’opération le plus vite possible et que l’initiative de cette décision ne venait pas de lui.

Dans une interview à la radio Echo de Moscou, Valéry Giscard d’Estaing a indiqué un jour qu’il avait connu de près Leonid Brejnev. « Les relations personnelles des leaders sont soumises à des restrictions, mais parfois, a-t-il ajouté, il est possible de comprendre à qui on a affaire ».

Brejnev faisait confiance au président français et appréciait ses initiatives visant à normaliser la situation. En 1979, les rumeurs sur le mauvais état de santé du leader soviétique se sont propagées partout dans le monde. Leonid Brejnev annulait régulièrement ses visites, tandis que les signes de la maladie devenaient de plus en plus visibles. Toutefois, malgré les interdictions de son médecin soignant, il est venu accueillir à l’aéroport Valéry Giscard d’Estaing en avril 1979. « Vous contribuez au développement des relations entre l’URSS et la France. Je ne voudrais pas que mon absence soit interprétée de façon erronée. Vous êtes notre ami », a dit Leonid Brejnev lors de la rencontre.

Le dirigeant soviétique a évoqué à son « ami » sa maladie. Si la nouvelle avait filtré dans la presse, elle aurait gravement porté atteinte à Brejnev et à l’Union soviétique.

Relations culturelles

Valéry Giscard d’Estaing profitait de chaque visite à Moscou pour se familiariser avec la culture russe. Il a été le premier chef d’Etat français à se rendre au champ de Borodino après la guerre de 1812 de la Russie contre Napoléon pour rendre hommage à ses compatriotes et voir de ses propres yeux l’endroit de la « bataille des géants », selon l’empereur des Français. Il écrira plus tard un roman historique, La Victoire de la Grande armée, accordant les lauriers de la victoire aux soldats français et non russes. Un rôle important dans l’écriture de ce livre revient à Léon Tolstoï : Valéry Giscard d’Estaing a toujours apprécié son œuvre et connaissait très bien son roman Guerre et paix. Lors d’un voyage à Moscou, il a insisté sur une visite dans la propriété du grand classique russe à Iasnaïa Poliana (environ 200 km au sud de la capitale russe).

Toutefois, les relations culturelles russo-françaises ne se sont jamais limitées aux préférences personnelles du président et ont connu un véritable essor pendant la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, Moscou et Paris ayant accueilli plusieurs expositions de grande importance.  

En mai 1974, La Joconde effectua même une visite à Moscou. Les Soviétiques faisaient la queue entre sept et huit heures pour passer sans s’arrêter devant le portrait et l’observer l’espace de 10 à 15 secondes. Des expositions d’une telle envergure étaient rares pour l’URSS. Ce chef-d’œuvre, qui n’a quitté qu’à trois reprises le Louvre au XXe siècle, a été exposé en Union soviétique, ce qui signifiait que le pays s’ouvrait au monde. Et c’est la France qui a assuré la médiation de la détente.

Aujourd’hui

Après l’expiration de son mandat présidentiel en 1981, Valéry Giscard d’Estaing n’a pas cessé ses visites régulières en Russie. A ce jour, il continue à déployer d’importants efforts pour impulser la coopération bilatérale entre les deux pays et se retrouve parfois dans l'obligation de réenfiler son costume de diplomate. Ainsi, lors de son déplacement à Moscou en mai dernier, l'ex-président s'est prononcé en faveur de la levée des sanctions infligées à la Russie et a ouvertement exprimé son soutien à l'adhésion de la Crimée.

40 ans plus tard, « VGE » reste plus que jamais le gardien de la détente.

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